Expédition MED rapport de campagne 2023

et chiffres clés des campagnes 2021-2022-2023

EXTRAITS :
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Face à l’urgence des enjeux et des impacts de la pollution plastique en Méditerranée, Expédition MED a pour objectif de promouvoir une vision régionale commune sur la connaissance et les enjeux de la pollution plastique en Méditerranée, avec son programme générique : « VigiePlastic Méditerranée ».

Les déchets plastiques ne connaissent pas de frontières et se déplacent au gré des courants sur l’ensemble du bassin méditerranéen et nous sommes tous concernés. Il est urgent et crucial d’identifier et de mesurer cette pollution plastique afin de pouvoir proposer des solutions communes et adaptées avec les pays riverains afin d’endiguer le rejet des déchets plastiques dans l’écosystème méditerranéen. Au regard des enjeux majeurs de cette pollution pour l’avenir de la Méditerranée nous souhaitons initier des coopérations solidaires pour la sauvegarde de cet écosystème fragile qui nous concerne tous.

Ce programme propose une approche scientifique et participative par la collecte de données sur la pollution plastique du bassin méditerranéen tout en contribuant à renforcer les coopérations entre les pays riverains.

Dans le cadre de son Expédition 2023, le laboratoire citoyen d’Expédition MED a embarqué des scientifiques et des citoyens « écovolontaires » pour étudier la pollution plastique en Méditerranée. Les résultats préliminaires de l’expédition, présentés dans ce rapport, vont enrichir les connaissances sur la pollution par les déchets plastiques en Méditerranée.

La pollution plastique marine

Les plastiques sont maintenant présents dans la quasi-totalité des écosystèmes terrestres et aquatiques, et cette pollution est un sujet majeur d’inquiétude pour l’intégralité des régions du globe, indépendamment de leur niveau de développement.

En comparaison avec les autres déchets comme le verre, le papier, les métaux, les tissus, le caoutchouc ou le bois, les déchets plastiques sont non seulement produits dans des quantités largement supérieures, mais se propagent et persistent dans l’environnement du fait de leurs caractéristiques singulières (forte capacité à être transportés par les courants et le vent, longue durée de vie) [1].

Les effets délétères de cette pollution plastique commencent à être de mieux en mieux connus [2]. Nous savons maintenant que la bioaccumulation des plastiques a lieu au sein de l’intégralité de la chaine alimentaire, avec des impacts négatifs sur la santé de tous les organismes vivants. Par ailleurs, si la compréhension des impacts sur la santévhumaine en est encore à ces débuts, la présence des plastiques dans différents compartiments de l’organisme humain est maintenant démontrée [3]. Des travaux mettent également en évidence l’implication directe de la pollution plastique dans le réchauffement climatique [4], et plus généralement son effet nocif sur le bien-être socioéconomique humain [5].

Les plastiques s’accumulant dans les bassins océaniques sont généralement classifiés selon 4 niveaux basés sur leur taille [6] :

Les macroplastiques (> 5 cm) ;
Les mésoplastiques (1 à 5 mm) ;
Les microplastiques (0,1 à 1 mm) ;
Et les nanoplastiques (< 0,1 mm).

Les microplastiques sont qualifiés de primaires ou de secondaires, selon qu’ils soient directement fabriqués sous cette forme ou issus d’une dégradation environnementale in-situ entrainant leur fragmentation sous l’action de processus physiques, chimique et/ou biologiques [1], [7].

La Méditerranée : une mer sous pression

En Méditerranée, de nombreux efforts de recherche ont été dédiés à la quantification des niveaux de pollution par les microplastiques. Les concentrations de microplastiques reportées, qu’elles soient issues de modèles ou récoltées empiriquement, sont comparables à celles que l’on retrouve dans les zones de convergence des gyres subtropicaux, indiquant que ce bassin est l’une des plus grandes zones mondiales d’accumulation des plastiques. Les niveaux élevés de pollution par les microplastiques et leur accumulation sont expliqués par la combinaison d’une forte pression anthropique et de conditions hydrodynamiques spécifiques à la Mer Méditerranée [2], [8].

La région méditerranéenne est habitée par 480 millions de personnes, dont un tiers est concentré le long des côtes, et la moitié autour des bassins hydrologiques environnants. Le bassin supporte une pêche, une navigation et des activités industrielles intensives, et est l’une des principales destinations touristiques du monde. Par ailleurs, la circulation anti-estuarienne de la mer Méditerranée contribue au phénomène d’accumulation des plastiques du fait de son évacuation limitée. Le détroit de Gibraltar est caractérisé par un afflux d’eau de surface provenant de l’Océan Atlantique présentant une salinité relativement faible, quand l’évacuation d’eaux plus salées et plus denses se passe plus en profondeur. Ainsi, les débris plastiques flottants, qu’ils soient générés au sein du bassin ou amenés de l’extérieur, sont piégés dans le bassin avec peu de possibilités d’en être évacués [2].

Répartition des microplastiques en Méditerranée

La présence des microplastiques en Mer Méditerranée a été reportée dans différents compartiments biologiques et environnementaux (fig.1). Concernant le compartiment « eau de mer », la plupart des études se focalisent sur l’échantillonnage de l’eau de mer de surface. Moins d’attention a été donnée jusqu’ici à l’étude de la répartition des plastiques dans la colonne d’eau (36 études pour l’eau de surface contre 6 dans la colonne d’eau) [2].

Par ailleurs, bien que les observations des microplastiques soient disponibles dans l’intégralité du bassin (fig.2), la division la plus étudiée reste le bassin Ouest Méditerranéen et peu de travaux se focalisent sur le bassin Est (25,8% des études). De plus, parmi les études menées dans le bassin Ouest, la majorité se concentre sur la caractérisation des niveaux de pollution par les microplastiques de surface au niveau de la rive Nord Méditerranéenne et les données disponibles concernant ces mêmes niveaux de pollution au niveau de la rive Sud Méditerranéenne restent limitée.

*Figure 2. Répartition des données de concentration des microplastiques en Mer Méditerranée (janvier 2021) [2]*

Chiffres clés – Campagne 2023

Au cours de la campagne 2023, 43 prélèvements d’eau de mer de surface ont été effectués, entre 0,25 et 70,2 miles des côtes.

Des exemples des échantillons obtenus une fois les prélèvements triés et analysés sont présentés ci-dessous. L’intégralité des échantillons est présentée en Annexe du rapport.

Distance : 1029 miles parcourus
Pays : Italie, Espagne, Tunisie
Superficie filtrée : 44 hectares
Volume filtré : 9226m3
Concentration surfacique moyenne : 131748 microplastiques/km²

Chiffres clés – Campagnes 2021, 2022, 2023

La figure ci-contre présente l’intégralité des points de prélèvements effectués

en 2021, 2022 et 2023 ainsi que les différentes subdivisions de la Mer Méditerranée étudiées.

La Mer Tyrrhénienne forme un triangle limité à l’ouest par la Sardaigne, au nord- ouest par la Corse, au nord-est par la péninsule italienne et au sud-est par la Sicile.

La Mer de Ligurie se trouve au nord-ouest de la mer Tyrrhénienne et à l’est de la partie nord du bassin algéro-provençal.

Le Golfe du Lion ferme l’extrême nord- ouest de la Méditerranée occidentale.

La Mer des Baléares est située entre les îles Baléares et la côte nord-est de la péninsule Ibérique.

La Mer de Sardaigne est située entre les îles Baléares à l’ouest et la Sardaigne à l’est.

Les Bouches de Bonifacio sont un détroit de la mer Tyrrhénienne séparant l’île de Sardaigne (Italie) de l’île de Corse (France).

Le Golfe d’Hammamet est un large golfe situé au nord-est de la Tunisie, délimité au nord par le cap Ras Maamoura et au sud par la ville de Monastir.

Le Canal de Sicile est un bras de mer situé en mer Méditerranée entre la Sicile et la Tunisie. Il divise, d’est en ouest, la mer Méditerranée en deux : la Méditerranée orientale et la Méditerranée occidentale.

Les différents indicateurs de contamination plastique ne permettent pas de souligner de tendance à la baisse ou à l’augmentation de la pollution par les microplastiques entre 2021, 2022 et 2023. Les chiffres restent néanmoins dans un même ordre de grandeur, en adéquation avec les données de la littérature scientifique (voir Chiffres clés – Campagne 2023). Ces comparaisons des niveaux de contamination sont à appréhender avec

précaution, les concentrations en plastiques de surface étant fortement dépendantes de la localisation du prélèvement et de sa temporalité, associés à des paramètres environnementaux qui évoluent constamment (courant, paramètres physicochimiques de l’eau de mer, conditions météo, etc.) [17]–[19]. Si nous ne relevons pas de tendance concernant la répartition quantitative des microplastiques de surface lors des trois campagnes, la répartition qualitative de ces derniers elle similaire entre 2021, 2022 et 2023. Les microplastiques représentent entre 83 et 87 % des débris plastiques récoltés avec le filet Manta. Ces débris sont en grande majorité des fragments (70 à 72 %) transparents (46 – 50 %) ou blanc (27 à 29 %), quelle que soit l’année considérée. L’analyse chimique est ici nécessaire pour aller plus loin dans l’identification des sources de pollution.

Dans ce qui suit, les résultats sont regroupés par subdivision de la Mer Méditerranée et une analyse quantitative (concentrations volumiques et surfaciques) et qualitative (taille, forme, couleur) de la pollution de surface par les microplastiques est proposée.

Notre vision et nos projections

Les déchets plastiques ne connaissent pas de frontières et se déplacent au gré des courants sur l’ensemble du bassin méditerranéen

Nous sommes tous concernés, et, afin que des solutions communes et adaptées avec les pays riverains puissent émerger, il est primordial d’identifier et de mesurer cette pollution plastique. Pour l’avenir commun de la Méditerranée, il sera nécessaire de collaborer et d’initier des coopérations pour la sauvegarde de cet écosystème fragile qui nous concerne tous.

Ces données sont nécessaires pour poursuivre le diagnostic sur la pollution plastique en Méditerranée afin de communiquer, sensibiliser et informer aussi bien au niveau des citoyens qu’auprès des décisionnaires industriels et politiques des pays riverains.

Il existe actuellement peu de données sur la présence des microplastiques dans les eaux de surface de la rive Sud Méditerranéenne et avec son programme « VigiePlastic Méditerranée » Expédition MED souhaite promouvoir une vision régionale commune sur la connaissance de la pollution plastique en Méditerranée.

L’expérience acquise par Expédition MED avec ses 14 expéditions réalisées depuis 2010 pour étudier les microplastiques de surface à permis la validation depuis 3 ans d’un protocole de prélèvement et d’analyse à bord efficace et optimisé.

Afin de maitriser les outils et produire des données scientifiques partagées sur la pollution plastique, un des prérequis est l’harmonisation des protocoles, afin étudier, mesurer et comparer les résultats sur la pollution plastique avec l’ensemble des pays riverains. Cette approche a confirmé la nécessité de développer un programme de formation auprès des acteurs de pays de la rive Sud.

Ces données sont nécessaires pour que les décideurs de chaque pays puissent s’appuyer sur des informations scientifiques afin de mettre en place des solutions durables adaptées.

Ces solutions nécessitent également une adhésion des populations et il est important d’informer, de sensibiliser les populations aux dangers des gestes de rejets et d’abandons des déchets dans l’environnement, afin de modifier les habitudes, les perceptions et les comportements.