En Méditerranée Expédition MED quantifie« plus de, 2 millions de particules plastiques par km² »

Dans le cadre de la campagne VigiePlastic 2024, durant la navigation au large du Cap Corse et de l’île toscane de Capraia, nous observons que cette soupe de plastique déjà étudiée en 2019, est toujours présente, mais avec des concentrations bien supérieures !

Au cours de la campagne d’Expédition MED dans le bassin Corso-Ligurien, en mer Tyrrhénienne, mer Ligurienne et le Chenal Corse, différentes zones d’accumulation conséquentes ont été observées à la suite des différents prélèvements réalisés (Figure 1).

Figure 1: Résultats de la campagne en mer 2024 d’Expédition MED. En turquoise, les concentrations de MP/km² supérieur à 1 mm. En orange, les concentrations pour les MP inférieurs à 1mm. Les stations représentées en blanc sont les 3 stations pour lesquelles les plus fortes concentrations ont été retrouvé : 2.1 (Station 14), 2.0 (Station 36) et 1.9 (Station 41) million de plastique par km².

Ce gyre a été observé pour la première fois en 2017, lors d’une étude publiée dans la revue Nature / Scientific Reports et menée par l’Institut des sciences marines du Conseil National de Recherches du Lerici (Ismar-CNR), et les Universités d’Ancône, du Salento et l’Algalita Fondation en Californie.
De nouveau observée en 2019 par le WWF Italie, cette zone de concentration de plastique renfermait déjà à l’époque des concentrations estimées à « 1,25 million » de fragments de plastique par km² soit environ 4 fois supérieure à celles découvertes dans l’océan Pacifique, le plus concentré des 5 gyres présents dans les océans du globe (WWF).

Cette zone d’accumulation a été longuement étudiée et dans un article paru en mai 2019 sur France Bleu RCFM, le Dr. François Galgani, responsable de l’Ifremer à Bastia à l’époque, expliquait que ce gyre (i.e. tourbillon) se formait par la disposition des courants. L’eau remonte le long de la côte italienne et lorsqu’elle arrive sur le socle de l’île d’Elbe, ce courant ne peut passer et s’engouffre alors dans le canal de Corse, entraînant avec lui tous les déchets plastiques charriés sur son itinéraire. Le chercheur définissait la taille de cette zone a quelques dizaines de kilomètres, mais précisait la différence des gyres de plastique dans le Pacifique ou dans l’Atlantique, qui sont des courants permanents provoquant toujours aux mêmes endroits des accumulations. En Méditerranée, ce sont des zones d’accumulations temporaires, de l’ordre de quelques jours ou de quelques semaines et au maximum de deux à trois mois, mais jamais permanentes.

Les capacités d’analyses des échantillons de microplastiques à bord du navire, permettent maintenant à Expédition MED de pouvoir fournir des premiers résultats quantitatifs et qualitatifs dès la fin de la mission.

Durant la campagne 2024, ce sont 54 échantillons qui ont été collectés avec des concentrations en plastiques, variant de 500 plastiques/km² à plus de 2 Million de plastique/km². Pour obtenir ces résultats, 12 911 m3 d’eau de mer ont été échantillonnés et 1 000 miles nautique ont été parcourus (soit environ 1 850 km). 25 Eco-volontaires provenant de la société civile ont participé à cette campagne 2024.

Le principal fait marquant de l’expédition 2024 a été l’échantillonnage de la zone d’accumulation entre le cap corse et l’île toscane de Capraia.
Suite au déploiement du filet manta sur les 54 stations échantillonnées, 3 d’entre elles ont présenté des concentrations extrêmement élevées de plastiques : station 14, 36 et 41 (représentées en blanc Figure 1).
Ces prélèvements ont respectivement été observés, dénombrés et catégorisés selon leurs tailles, leurs couleurs, leur nature, 2 648, 3 287 et 2 127 fragments supérieur à un millimètre !

Aucun doute,  Expédition MED sur son bateau « Le Bonita » a bien navigué dans la zone d’accumulation de plastique que nous cherchions à étudier ! Le station 36 (Figure 1) gagne ainsi la palme de la plus forte concentration observée par Expédition MED depuis le début des prélèvements.

Des analyses supplémentaires ont été effectuées par le laboratoire QUALYSE pour décrire la fraction plus petite de ces 3 échantillons pour la fraction (< 1 mm), et un total de 240, 737, 982 plastiques ont été observés sur les trois stations mentionnées précédemment, respectivement les stations 14, 36 et 41 (Tableau 1).  

La majorité des fragments catégorisés était de nature polypropylène (PP) à 69 % et polyéthylène (PE) à 21 % (Tableau 1). Ces plastiques sont couramment utilisés dans notre vie quotidienne, car utilisés pour les emballages alimentaires et les plastiques à usage unique, ce qui reflète leur grande abondance en mer.

Tableau 1: Résultats de caractérisation de la fraction inférieur a 1 mm pour les échantillons 14, 36 et 41. Analyse réalisé par le laboratoire QUALYSE.

Pour la fraction inférieure au millimètre, Le laboratoire Qualyse a dans un premier temps procédé à un prétraitement avec la digestion au KOH 10% de la matière organique, puis à une préfiltration à 1500 µm afin de retirer les particules grossières.
Enfin, une séparation par utilisation de NaCl saturé aidant à la flottaison des MP a été réalisée avant filtration sur système Tulipe et analyse en infrarouge (Spotlight Perkin Elmer). Ces analyses ont ainsi révélé 240, 737 et 982 particules pour la gamme de tailles comprises entre 25 et 1500 μm (Tableau 1).

Pour la fraction inférieure au millimètre, Le laboratoire Qualyse a dans un premier temps procédé à un prétraitement avec la digestion au KOH 10% de la matière organique, puis à une préfiltration à 1500 µm afin de retirer les particules grossières.Enfin, une séparation par utilisation de NaCl saturé aidant à la flottaison des MP a été réalisée avant filtration sur système Tulipe et analyse en infrarouge (Spotlight Perkin Elmer). Ces analyses ont ainsi révélé 240, 737 et 982 particules pour la gamme de tailles comprises entre 25 et 1500 μm (Tableau 1).

Au cours du prélèvement dans la station 36 ainsi que la station 20 (station proche de Cannes, devant l’embouchure de la rivière La Siagne, il a pu être observé lors du passage du filet manta dans une zone d’accumulation distincte qui pourrait s’apparenter à un « front », des zones résultantes de l’interaction entre les flux d’eau douce provenant de la rivière et des eaux salées de la mer, marquée par une ligne visible de séparation.

 De nombreux déchets organiques (posidonies, algues diverses, bois flotté…) ainsi que des macrodéchets plastiques (de type films et fragments principalement) ont été observé dans cette zone d’environ 1 à 2 mètres de large (Station 20) (Station 36) (Figure 4).

Figure 4: Zone d’accumulation distinctes à la surface de l’eau s’apparentant à un front lors de l’échantillonnage de la station 36

Cette zone d’accumulation trouvée au cours de cette campagne fera l’objet d’une prochaine mission.
Expédition MED lance un appel à témoignage de tout usager de la mer, marins, pécheurs, plaisanciers, citoyens afin de récolter toutes informations et observations pour étudier au mieux cette pollution et cartographier ces zones d’accumulations.

À noter que la station 41 se situe à une dizaine de kilomètres au nord de Bastia, proche du sémaphore de Sagro, et semble éloigné de la zone d’accumulation d’écrite en 2019 (Galgani et al. 2019). Autre fait important à noter, deux semaines sépare le prélèvement de la station 14 des deux autres, étant donné qu’Expédition MED a souhaité retourner sur la zone pour effectuer de nouveaux prélèvements.

Après analyses par le laboratoire QUALYSE de la fraction inférieure à 1 mm pour ces 3 échantillons, des concentrations atteignant respectivement :

N° 14 : 2.186 million de plastique par km²
N° 36 : 2.041 million de plastique par km²
N° 41 :
1.971million de plastique par km²


Rappelons que les déchets plastiques visibles en surface ne représentent que 1 % de l’ensemble du plastique échoué en mer (Cózar et al., 2014

Également, de très fortes concentrations avec plus 389 597 MP par km² (soit la 4e plus forte concentration observée lors de la campagne de cette année), ont pu être comptabilisées lors de l’échantillonnage dans le Golfe de Napoule, devant l’embouchure de la rivière La Siagne de la commune de Mandelieu-la-Napoule (France) (station 20, Figure 1).
En comparaison, en 2016 Pedrotti et al., avait trouvé avec l’aide d’Expédition MED des concentrations allant de 75-150 000 débris par km² et 578 000 débris/km² près de la côte de Nice.

Des prélèvements ont ensuite été réalisés de Calvi au cap de Bonifacio, le long de la côte ouest Corse (Station 23 à 32, Figure 1). Des concentrations relativement faibles allant de 596 MP/km² (Station 32 dans le Golfe de Bonifacio) à 171 990 MP/km² (Station 23 dans la réserve naturelle de Scandola) ont été cependant observé. Les plus fortes concentrations ont ensuite été retrouvées dans le Golfe de Porto (142 354 MP/km², Station 24) et dans la Baie d’Ajaccio (74 809 MP/km², Station 27).

D’autres prélèvements ont également été réalisés au sud de la petite île toscane de Pianosa (168 856 MP/km² (Station 34), au nord-est et sud-est de l’île d’Elbe (maximum de 146 170 MP/km² (Station 35), et au Nord-Ouest de Capraia et proche de ses côtes révélant ici des concentrations bien inférieurs à celles attendues, allant de 67 706 (Station 38) à 153 170 MP/km² (Station 37).

Expédition MED a également trouvé de fortes concentrations dans la zone du Cap Corse entre les villages de Barcaggio (côte nord) et de Port de Centuri (côte ouest). Une concentration en plastique de taille supérieure à 1 mm équivalent à 156 328 MP par km² a pu être observée en face du village de Barcaggio (Station 13, Figure 1). Une étude d’avril 2020 menée par la Station de Recherche Sous-marines et Océanographiques (STARESO) de Calvi, et l’Université de Liège, avait trouvé des concentrations bien inférieures à celles rencontrées avec une densité moyenne des déchets plastiques de 19 357 par km², et un maximum de 27 027 entre Bastia et Macinaggio, sur la côte Est du cap (Marengo et al., 2020).

Pour conclure, au vu des résultats trouvés, il semble que, à l’instar de ce qui avait été décrit par Francois Galgani en 2019, les fragments plastiques se regroupent essentiellement au Nord Est de la Corse, entre le cap corse, l’Ile de Capraia au nord et l’ile d’Elbe à l’Est.

Les concentrations retrouvées au cours de cette expédition dépassent toutes celles jusqu’alors décrite dans la littérature.

Expédition MED campagne 2024

Cette expédition et ces résultats  ont été réalisées avec la collaboration de l’océanographe brésilienne Ana Luzia Lacerda , du doctorant Nicolas Gosset . Avec l’aide des assistants-scientifiques, stagiaires et bénévoles actifs : Emmanuel Cabanes, Abigael  Saez, Jérôme Aygat, Paulin Noir, Ninon Martin, sous l’encadrement de Bruno Dumontet, fondateur d’Expédition MED.

 « L’expédition MED joue un rôle crucial dans l’échantillonnage spatio-temporel des plastiques en Méditerranée, en utilisant une méthode scientifique bien établie et harmonisée avec celles appliquées dans d’autres régions du monde. De plus, la participation des écovolontaires, ainsi que les activités de sensibilisation menées dans les ports, sont d’une grande importance pour alerter la population sur le problème grave de la pollution plastique. Lors de la campagne de 2024, nous avons identifié des zones de grande accumulation de plastiques à l’intérieur du Sanctuaire Pelagos, une zone marine protégée. Cela renforce l’idée que la pollution plastique est transfrontalière et que des actions doivent être prises non seulement au niveau national, mais à l’échelle de tout le bassin méditerranéen ».
Ana Luzia Lacerda

« La campagne 2024 a été marquée par la découverte et l’étude de larges zones d’accumulation de déchets plastiques en mer Méditerranée. Suivre l’évolution de ces zones dans le temps est essentiel pour prévenir et rendre compte de l’impact humain sur l’environnement marin. C’est avec amertume que nous avons battu tous les records de plastique collectés par l’association à ce jour. La campagne 2024 a également montré l’importance d’être à l’écoute des usagers de la mer (pêcheurs, plaisanciers, service de la capitainerie, collectivités marines…), premiers témoins de cette pollution plastique qui nous touche tous. »
Nicolas Gosset

Des résultats obtenus en temps réel grâce à la science participative du laboratoire citoyen d’Expédition MED, qui embarque chaque année sur son navire des volontaires de la société civile pour assister les coordinateurs scientifiques de la campagne.

Ces écovolontaires qui embarquent avec Expédition MED sont encadrés par des scientifiques, et pratiquent l’analyse de ces échantillons dès leurs collectes sur le bateau. Ces prélèvements sont parfois extrêmement chargés en particules de plastiques qui sont triées, quantifiées une par une, selon un protocole précis. Les analyses nécessitent de nombreuses heures et parfois plusieurs jours dans certain cas pour être finalisées.

Plus de 300 écovolontaires ont déjà embarqués durant les campagnes d’Expédition MED.

Les éco-volontaires de la campagne 2024 : Ninon Martin,  Laurence Le Souffaché, Wahib Boudjellali,
 Fayiri Kante,   Alexis Fouesneau,  Fanny Bauchau,  Lise Devreux,  Eric Quantin,  Andrea Sermoneta,  Elena Sermoneta,  Elea Chavagneux Maréchal,  Pauline Azais,  Noémie Jaunin,  Christophe Rapuc,  Simon Maynadier,  Paloma Gude.

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